Dans le cadre d’un permis de construire une unité de méthanisation, le Conseil d’Etat juge que le lexique du règlement PLU peut être interprété à l’aune du Code rural et de la pêche maritime : CE, 17 janvier 2024, n° 467572
Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance du 6 septembre 2022, ordonné la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral délivrant à la société Agri Bioénergies un permis de construire une unité de méthanisation, jusqu’à ce qu’il statue au fond sur sa légalité.
Cette société s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, afin d’obtenir l’annulation de l’ordonnance et le rejet de la demande de cette suspension présentée par plusieurs riverains.
Dans cette affaire, les dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) imposent le respect d’une marge de recul aux bâtiments nouveaux, sauf pour les activités agricoles. Cette notion d’exploitation agricole est visée dans le lexique du règlement du PLU, qui reprend de manière partielle les dispositions de l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime, sans y renvoyer.
Dans son ordonnance, le juge des référés estime que les dispositions du lexique du PLU ne permettent pas de considérer le projet litigieux comme un bâtiment d’exploitation agricole. Il juge également qu’en application du principe d’indépendance des législations, la société pétitionnaire ne peut pas se prévaloir, pour justifier de l’absence d’application des règles de recul, des dispositions du Code rural et de la pêche, définissant quant à elles son activité comme agricole :
« La circonstance que la méthanisation puisse être assimilée à une activité agricole au sens des dispositions des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime est sans incidence sur la légalité du permis de construire attaqué, dès lors que ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que peut prendre en compte l’autorité administrative lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme. »
Le Conseil d’Etat ne suit pas ce raisonnement, jugeant notamment qu’il revient au juge des référés de :
« Rechercher si le projet d’unité de méthanisation en cause pouvait être regardé comme une activité agricole au regard de la définition qu’en donne le lexique du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Bourg-des-Comptes, éclairée par les dispositions du code rural et de la pêche ».
Les articles L. 311-1 et D. 311-18 précités étant applicables à l’espèce, l’activité de la société titulaire du permis litigieux doit être considérée comme agricole, rendant ainsi les règles de recul des bâtiments inapplicables. L’ordonnance querellée est annulée.
En d’autres termes, la Haute juridiction estime que si le lexique reprend certaines dispositions issues d’une législation différente de celle de l’urbanisme, même sans renvoi explicite, le juge administratif peut s’appuyer sur cette autre législation pour interpréter une notion spécifique.
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