Rappels sur l’article R. 222-1 du Code de justice de administrative et sur l’injonction de délivrer une autorisation d’urbanisme : Conseil d’Etat, 24 octobre 2023, 465360
La société Orange a pour projet l’implantation d’une station-relais de téléphonie mobile dans la commune de Sainghin-en-Mélantois (Nord).
Par deux arrêtés du 4 septembre 2017 et du 27 avril 2018, le maire de la Commune s’oppose à la déclaration préalable de travaux déposée en vue de la réalisation de ce projet.
Cette même Commune relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille, en ce qu’il annule ces arrêtés et enjoint au maire de réexaminer la déclaration préalable de la société Orange.
Par une ordonnance du 29 avril 2022, le président de la première chambre de la Cour administrative de Douai rejette l’appel de la Commune sur le fondement de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative, l’estimant manifestement dépourvu de fondement.
Toutefois, la Cour accueille les conclusions incidentes de la société Orange visant à enjoindre la Commune de délivrer une décision de non-opposition à sa déclaration dans un délai d’un mois à compter la notification de l’ordonnance.
La Commune se pourvoit en cassation.
Deux points seront ici évoqués :
L’application de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative :
Aux termes de cet article, « Les présidents des cours administratives d’appel (…) peuvent, par ordonnance (…) rejeter, après l’expiration du délai de recours ou, lorsqu’un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé (…) ».
Comme le rappelle Madame le Rapporteur public dans ses conclusions, cet article est relatif à ce qu’on appelle communément les « ordonnances de tri ».
Le juge répond à une série de questions avant de pouvoir examiner le bienfondé des écritures dont il est saisi. Ainsi, la juridiction vérifie si le requérant ne s’est pas désisté, si elle est bien compétente, si le litige n’a pas perdu son objet et si la requête est bien recevable. Il s’agit du contrôle du « DINI » (désistement, incompétence, non-lieu, irrecevabilité).
En l’espèce, la requête d’appel de la Commune a été rejetée, puisque jugée manifestement mal fondée.
Mais qu’en est-il de l’appel incident de la société Orange ?
Comme le précise Madame le Rapporteur public : « L’appel incident est en effet bien une « requête d’appel », avec la particularité qu’il est un appel « défensif », formé par la partie au litige de première instance qui, bien que n’ayant pas obtenu pleinement satisfaction, n’a pas estimé devoir faire appel mais qui s’y résout en réponse à un appel principal de l’autre partie. »
Or, les dispositions de l’article R. 222-1 du CJA ne permettent pas de “faire droit à”, mais tendent seulement à rejeter de telles requêtes, notamment dépourvues de fondement.
C’est pourquoi, en l’espèce, le Conseil d’Etat considère que le juge d’appel qui rejette la requête d’appel de la Commune comme manifestement mal fondée, ne peut pas faire droit aux conclusions incidentes du pétitionnaire.
L’ordonnance de la Cour, prise sur le fondement de cet article R. 222-1, est donc annulée.
- L’injonction de délivrer une autorisation d’urbanisme :
Après avoir annulé l’ordonnance, le Conseil d’Etat, dans un souci de bonne administration de la justice, procède au règlement au fond de l’affaire, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative.
A cet effet, la Haute Juridiction fait notamment application de son avis « Préfet des Yvelines » (CE, 25 mai 2018, n° 417350), selon lequel : « lorsque le juge annule un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. »
En d’autres termes, le juge a l’obligation, en principe, d’enjoindre à l’autorité compétente de délivrer le permis de construire sollicité ou de prendre une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée, dès lors qu’il est saisi en ce sens et que l’ensemble des motifs de refus invoqué par l’administration est censuré.
Par exception, cette injonction n’est pas envisageable si un autre motif pouvant justifier l’annulation de la décision de l’autorité compétente demeure, ou si à la suite d’une modification des circonstances, la situation de fait au jour du jugement y fait obstacle.
En l’espèce, tous les motifs de la Commune ont été censurés, et aucun autre motif ni aucun changement des circonstances de fait pouvant faire obstacle à la réalisation du projet d’antenne-relais n’a été soulevé.
Le Conseil d’Etat a donc enjoint à la Commune de délivrer à la société Orange une décision de non-opposition aux travaux qu’elle a déclarés.
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