La médiation organisée à l’initiative du juge n’interrompt pas le délai de saisine du juge des référés : Conseil d’Etat, 13 novembre 2023, n° 471898
Par une décision du 7 juillet 2022, le maire de Rasteau (Vaucluse) des livres à sa commune un permis d’aménager des terrains de sport et un local technique et sanitaire.
Un riverain dépose un recours en annulation de cette autorisation d’urbanisme devant le Tribunal administratif de Nîmes qui, après avoir obtenu l’accord des parties, ordonne une médiation au titre de l’article L. 213-7 du Code de justice administrative.
Par la suite, le riverain demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, la suspension de l’exécution du permis d’aménager contesté.
Le juge des référés rejette sa demande sur le fondement des articles L. 600-3 et R. 600-5 du Code de l’urbanisme, le référé-suspension ayant été présenté postérieurement à la date de cristallisation des moyens.
Le requérant se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d’État.
Dans sa décision, la Haute Juridiction rappelle les éléments suivants :
- L’article L. 213-5 du Code de justice administrative dispose que « les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner là où les personnes qui en sont chargées(…) ».
L’article L. 213-6 du même code précise quant à lui que dans ce cas, « les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d’un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation (…) ».
Le Conseil d’Etat précise, dans sa décision, que cette interruption des délais de recours ne s’applique qu’à la médiation organisée à l’initiative des parties avant la saisine du juge, afin de préserver leur droit de saisir ultérieurement ce dernier.
- Selon l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme : « Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.(…) ».
Rappelons que par cet article, le législateur définit un cadre temporel pour les actions du requérant afin d’éviter un ralentissement excessif dans la réalisation du projet autorisé (CE, 25 septembre 2019, Commune de Fosses, n°429680).
- Aux termes de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme : « Par dérogation à l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d’une requête relative à une décision d’occupation ou d’utilisation du sol régie par le présent code, ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. (…) Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie. (…) »
Ainsi, tout nouveau moyen présenté au-delà du délai de 2 mois courant à compter de la communication du premier mémoire en défense sera considéré comme irrecevable.
Toutefois le tribunal peut fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens si les circonstances de l’affaire le justifient, et plus particulièrement lorsque deux conditions sont réunies (CE, 8 avril 2022, n° 442700) :
- La partie n’était pas en mesure de faire état, avant le délai de deux mois, de la circonstance de fait ou de l’élément de droit fondant le moyen nouvellement présenté
- Le nouveau moyen doit avoir être susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire.
En l’espèce, le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que « le législateur n’a pas entendu conférer à la médiation organisée à l’initiative du juge un effet interruptif du délai fixé par l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative ».
En d’autres termes, dans le cadre d’un contentieux relatif à une autorisation d’urbanisme, un référé-suspension présenté au-delà du délai de 2 mois courant à compter de la notification du premier mémoire en défense dans le litige au fond est irrecevable, peu importe qu’une médiation à l’initiative du juge soit en cours.
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